Une révolution en marche

Face aux défis climatiques, le jardinage se transforme : matériaux recyclés, outils réparables, production locale et alternatives naturelles s’imposent. Si le chemin est encore long, les avancées des 25 dernières années posent les bases d’un futur durable.
On a longtemps parlé du réchauffement climatique comme d’une possibilité lointaine. Ce jour est arrivé. Désormais, les températures globales sont supérieures de 1,5 °C par rapport à celles de l’ère préindustrielle. On parle de dérèglement climatique. Beaucoup estiment que les efforts consentis par les industriels ne sont pas suffisants. Pourtant, il faut se souvenir d’où nous venons.

Il y a 25 ans, jardiner rimait avec chimie. Pesticides, insecticides et herbicides étaient omniprésents dans les placards des jardiniers. Peu remettaient leur usage en question. Les générations les plus âgées doutaient même de l’existence du réchauffement climatique. Le recyclage, quant à lui, en était à ses débuts. Le concept de bilan carbone n’existait tout simplement pas.


Pourtant, dès les années 1980, une prise de conscience a émergé, amorçant un tournant vers un jardinage plus respectueux de l’environnement. Il a fallu des décennies pour que ces idées s’enracinent. Aujourd’hui, les progrès sont impressionnants : les produits chimiques ont cédé la place à des alternatives naturelles, les matériaux recyclés se généralisent et les chaînes de production se réinventent. Ces transformations reflètent un effort collectif remarquable. Certes, des défis restent à relever, mais les bases d’un avenir durable sont désormais plantées.
Le retour au naturel :
Les placards de jardinage des années 1980 ressemblaient à un laboratoire de chimie. Les produits promettaient des résultats rapides contre ravageurs et maladies. En 2008, l’enseigne Botanic a été pionnière en bannissant les phytosanitaires de ses rayons. Une décennie plus tard, en 2019, la France a interdit leur vente aux particuliers. Cette rupture a ouvert la voie à des alternatives naturelles comme les purins de plantes, les huiles essentielles ou la lutte biologique avec des auxiliaires tels que les coccinelles.

Et la recherche continue. Anne-Catherine Philippe, directrice marketing de Bayrol, explique : « Aujourd’hui, 7 piscines sur 10 sont équipées dès leur construction d’un appareil de traitement automatique. Cela réduit l’usage de produits, tout en simplifi ant l’entretien. En 2024, Bayrol a lancé la gamme Respect, à base de matières actives d’origine végétale. Ces produits, à base d’enzymes notamment, permettent d’optimiser le traitement de l’eau en réduisant la matière organique présente dans les bassins. Cela allège l’utilisation de produits comme le chlore. »

Autre exemple : Julien Bernard-Brunel, directeur marketing d’Evergreen Garden Care, détaille : « Nous avons collaboré avec une start-up pour mettre sur le marché notre piège à moustiques connecté Wiliv x Home Defense basé sur le biomimétisme. Ce dispositif reproduit la respiration et l’odeur humaine pour attirer les moustiques (communs et tigres). Ils sont capturés dans un fi let. Ce produit est respectueux de l’environnement et s’intègre bien dans notre gamme de solutions naturelles pour la protection de la maison. » Il faut garder en tête que la recherche demande du temps. De nouvelles solutions naturelles vont émerger dans les années à venir.
La durabilité, nouvelle exigence :
Le meilleur déchet, c’est celui que l’on ne produit pas. Cette philosophie s’applique de plus en plus au jardinage. Certains misent sur le renouvelable comme Julien Bernard-Brunel. Le directeur marketing d’Evergreen Garden Care donne un exemple : « Nous avons engagé depuis plusieurs années une démarche forte de développement durable. Par exemple, nous avons réduit l’utilisation de la tourbe dans nos terreaux ce qui nous permet de protéger les tourbières et ainsi la biodiversité. Nous avons lancé il y a quatre ans une gamme de terreaux Fertiligène sans tourbe. Nous continuons à investir dans des alternatives dans nos formules comme le miscanthus, une plante locale et peu énergivore. L’objectif est de ne plus avoir de tourbe dans tous nos terreaux d’ici 2030. » Il faudrait également évoquer le bois désormais majoritairement issu de forêt gérée de façon durable. » Il faudrait également évoquer le bois désormais majoritairement issu de forêt gérée de façon durable.

L’obsolescence programmée a vécu. La réparabilité gagne du terrain. Sthil veille à prolonger la durée de vie de ses produits en travaillant sur la réparabilité, la recyclabilité et le reconditionnement des machines. Ses produits sont conçus pour être faciles à démonter et à réparer. Les indices de réparabilité permettent aux consommateurs de faire un choix éclairé. Cette approche s’inscrit dans le cadre de la loi française AGEC et des normes européennes à venir. Autre exemple : Proloisirs innove dans le mobilier de jardin avec des parasols entièrement réparables grâce à des pièces interchangeables. Là encore la recherche permet aux entreprises de progresser. La durabilité n’est plus seulement un engagement, c’est une transformation en marche.
Mot d’ordre : recycler
La surabondance de bien a caractérisé la société née de l’aprèsguerre. Un monde aujourd’hui disparu. Depuis les années 2000, les produits recyclés se sont peu à peu imposés. Les innovations ont été nombreuses. L’usage du plastique recyclé s’est généralisé. Cela pose d’ailleurs quelques problèmes : il est de plus en plus difficile de trouver cette matière première et primordiale. Mais la démarche paie : la gamme Green Care d’Edelman, composée de produits recyclés, a vu ses ventes passer de 3 % à 25 % en 5 ans. Les industriels rivalisent d’ingéniosité. Florentaise propose Copobrique, un paillage fabriqué à partir de briques recyclées. Ce produit a reçu le prix coup de coeur du jury aux Journées des Collections 2023. Evergreen Garden Care, en partenariat avec la start-up française Capillum, a lancé un paillage anti-sécheresse Fertiligène à base de laine de mouton et de cheveux (prix JDC « Jardin Responsable et Malin »). Ce matériau biodégradable préserve l’humidité des sols et réduit la fréquence d’arrosage tout en enrichissant la terre grâce à la kératine contenue dans les cheveux. Recycler n’est plus une option, mais une évidence. Au jardin comme ailleurs, l’avenir s’écrit avec les déchets d’hier. Une boucle vertueuse qui ne cesse d’inspirer et de se réinventer.


ET demain ?
Si les progrès sont indéniables, le jardinage doit encore relever plusieurs défis pour devenir véritablement durable. L’innovation doit cependant s’orienter vers des solutions rentables... pour être durables. Les matériaux recyclés, les outils réparables et les alternatives naturelles doivent devenir la norme. La relocalisation de la production, combinée à des circuits courts, pourrait aussi réduire l’impact carbone de façon significative. La distribution gagnerait également à organiser elle-même le marché de l’occasion. La seconde main est rentrée dans les moeurs. 

Avons-nous vraiment le choix ? Entre la fin du mois et la fin du monde, les Français indiquent, selon le sondage Odoxa paru en mars 2024, que leur première préoccupation reste la hausse du coût de la vie à 52 %, suivi par le changement climatique à 34 %. Quelque 52% des sondés estiment qu’en période de crise, il faut au contraire poursuivre les politiques d’environnement car celles-ci ne sont pas incompatibles avec la croissance et l’emploi. C’est un retournement complet par rapport aux perceptions qui prévalaient il y a moins de 10 ans. Enfin, moins connu, tous les Français ou presque (95 %) font de la protection de la biodiversité un sujet de préoccupation important.

Le chemin est encore long, mais la révolution verte est en marche. Reste peut être à communiquer davantage sur les solutions mises en avant depuis 25 ans. Nombre de consommateurs, notamment les plus jeunes, ne semblent pas conscients des progrès accomplis.

Les émissions de carbone, le point épineux
En la matière, il reste sans doute des progrès à faire. Et pourtant... La production horticole, grande consommatrice d’énergie, a beaucoup évolué. La majorité des exploitations horticoles fonctionnent, tout ou partie, avec des énergies renouvelables (panneaux solaires, géothermie et biomasse). La production de tourbe, nous l’avons vu, se réduit. L’outillage électrique se développe.

Les transports restent un défi majeur. Chaque kilomètre parcouru génère entre 50 et 100 g de CO₂. Les entreprises s’efforcent d’y remédier. Renaud Lorillard de la société Elho résume : « Pour réduire notre empreinte logistique, Nous avons commencé à produire en France mais pas à stocker, c’est la prochaine étape. Cela nous rapproche de nos marchés et améliore notre réactivité. » Outre le bilan carbone, la production locale se révèle être un argument marketing de choix. Les consommateurs se révèlent en effet de plus en plus sensibles à l’origine des produits. Réduire les émissions de carbone est un défi de taille, mais chaque pas compte. Entre énergies renouvelables, production locale et innovations logistiques, la filière s’adapte et progresse.